Congo : les rebelles se jouent de l'ONU

Pour une petite guerre confuse, on ne saurait rêver cadre plus idyllique. L'affrontement, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), entre les rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et les forces loyalistes congolaises a lieu juste là, quelques virages plus loin, dans les herbes du parc des Virunga. Les forces gouvernementales tenaient cette partie du parc semé de volcans avec l'appui des Hutu rwandais, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).

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Plus bas, un troupeau d'éléphants broute l'herbe haute et constelle la piste de déjections énormes. Des babouins olive lancent une attaque surprise sur un manguier. Sur les pentes des volcans, les gorilles de montagne se terrent. Le parc a cessé d'être une destination touristique de choix; les rangers ont fui la guerre; on tue les antilopes à l'arme automatique.

Un camp des FDLR était installé là. Il était occupé, à l'origine, par d'ex-miliciens et soldats rwandais impliqués dans le génocide rwandais de 1994. Près d'un million de morts et un cataclysme régional. Depuis, les ex-génocidaires se sont installés dans des bases arrière de l'est de la RDC et se battent aux côtés des forces loyalistes congolaises, qui reculent face aux rebelles du CNDP, soutenus par le pouvoir rwandais. Aujourd'hui, la coalition loyaliste cède du terrain face aux rebelles de Laurent Nkunda dans la partie centrale du parc, ouvrant la voie de Kanyabayonga, importante bourgade plus au nord. Pour la Mission des Nations unies au Congo (Monuc, 17 000 hommes), c'est le moment de tenter de s'interposer.

"LES REBELLES ONT SIX BATAILLONS, LES LOYALISTES EN FACE ONT UNE BRIGADE, ET MOI J'AI DOUZE HOMMES"

"Ils n'écoutent rien ! Ils n'écoutent rien", s'indigne un officier indien de l'ONU, qui a arrêté ses deux blindés BMP au milieu des hautes herbes de la savane pour être certain de ne pas être pris dans les combats, et tente de faire entendre raison aux deux camps. "Les rebelles ont six bataillons, les loyalistes en face ont une brigade, et moi j'ai douze hommes. Comment je peux faire pour montrer ma force et faire cesser le combat ? Je ne suis pas Rambo !" L'officier a vécu, tout au long de ces derniers jours de progression des rebelles, les avanies du fonctionnement d'une mission de maintien de la paix qui se trouve débordée par l'accélération des actions militaires et se retrouve démunie.

Au milieu du parc, l'herbe brûle encore. Des tas de douilles sur le sol, des boîtes de munitions éventrées, racontent l'affrontement qui vient juste de s'interrompre. Les troupes gouvernementales et leurs alliés refluent vers leur position de Rwindi, à huit kilomètres.

Côté rebelle, on avance, on contrôle, on se déploie. A la manœuvre, il y a là le commandant Faustin "Zéro Bravo", vétéran des rébellions congolaises et qui commande une des unités d'élite du CNDP. Les rebelles avancent dans des 4×4 dérobés aux forces gouvernementales dans les derniers combats. Ils n'ont pas pris la peine d'en arracher les plaques d'immatriculation. Ils ont aussi amené un canon bitube monté sur un camion, autre prise de guerre aux forces loyalistes en déroute.

Juste à quelques kilomètres, une poche de forces gouvernementales est en train de se constituer. Les Forces armées de RDC (FARDC) et leurs alliés hutu rwandais se sont repliés là-bas, sans savoir que le CNDP s'était déjà infiltré à travers le parc dans leur dos, et coupe la route vers Kanyabayonga, verrou de l'accès au nord de la région. Passe un des six hélicoptères d'attaque Mi 17 de la Monuc, avec ses paniers lance-roquettes. Le bitube le met en joue et suit sa progression dans le ciel.

La Monuc a entrepris de négocier avec les deux camps. Au milieu de nulle part, une table est dressée, où s'organisent des pourparlers entre officiers de la mission onusienne et commandants rebelles.

Des coups de téléphone sont passés pour faire la même chose avec les commandants loyalistes. "On essaie de les convaincre que les FARDC et les FDLR doivent être extraits de cette zone, sinon beaucoup de sang va couler", assure l'officier onusien qui supplie "qu'on ne donne pas son nom".

Au même moment, le facilitateur nommé par les Nations unies, l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo rencontre Laurent Nkunda, le chef rebelle, à une cinquantaine de kilomètres plus au sud.

"Ils négocient d'un côté, ils se battent de l'autre, soupire l'officier indien. Mais cette fois, s'ils refusent de cesser les combats, nous devons faire une démonstration de force.". En l'occurrence, envoyer des hélicoptères de combat.

Auront-ils le droit d'ouvrir le feu ? Seulement si une hiérarchie complexe en donne l'ordre, combinant les avis des Nations unies et celles des capitales ayant envoyé des troupes. "A chaque fois qu'on fait de l'interposition, les FARDC se mettent juste derrière nos positions et pilonnent les rebelles", analyse, avec découragement, une source onusienne bien informée sur les procédures d'engagement de la mission onusienne. "Ensuite, ils lancent des offensives qu'ils ne sont pas capables de mener à bien, et c'est Waterloo."


Jean-Philippe Rémy
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