Photo: Jane Some/IRIN |
Enock Ruberangabo Sebineza (là gauche), ancien député qui a représenté la communauté des Banyamulenge pendant la période de transition en RDC, et Zachée Muhamiriza, président de la communauté des Banyamulenge à Bukavu |
En 1995, le gouvernement congolais a décrété que les Banyamulenges ainsi que tous les kinyarwandophones auraient désormais le statut d’étrangers. Depuis lors, ce décret a été abrogé.
La constitution congolaise actuelle garantit la citoyenneté des Banyamulenges, a expliqué Zachée Muhamiriza, président de la communauté des Banyamulenges à Bukavu, la capitale de la province du Sud-Kivu, « mais je pense que l’animosité continue dont nous faisons l’objet est due au parti pris tribal des individus [eux-mêmes] ».
« Notre situation est d’autant plus grave que, chaque fois que nous sommes attaqués, certains d’entre nous courent chercher de l’aide au Rwanda, ce qui entretient notre image d’étrangers », a-t-il ajouté. « Si la paix régnait dans l’est du Congo, les Banyamulenges voudraient se rapprocher du Congo ; ceux qui se réfugient au Rwanda le font parce qu’ils pensent que c’est le seul endroit où leur sécurité est garantie ».
« Depuis le génocide au Rwanda [en 1994] et la prise du pouvoir par [le président rwandais Paul] Kagamé, les populations de la région des Grands Lacs craignent que les Tutsis n’établissent leur domination », a indiqué M. Muhamiriza. Les Banyamulenges sont ethniquement liés aux Tutsis et parlent le kinyarwanda.
Il existe une autre population tutsie congolaise, au Nord-Kivu, qui n’appartient pas aux Banyamulenges, mais parle également le kinyarwanda. « C’est pour cette raison qu’au cours de certains massacres de Tutsis – le massacre de Gatumba au Burundi, le 13 août 2004, ainsi que d’autres incidents au Congo – les Banyamulenges ont été tués en grand nombre. La communauté internationale doit faire pression sur les leaders régionaux afin qu’ils acceptent la réconciliation au plan national ».
« La lutte de M. Kagamé a causé des problèmes aux Banyamulenges du Congo du fait de notre soutien à sa rébellion », a expliqué Enock Ruberangabo Sebineza, ancien parlementaire au cours de la transition qui avait abouti aux élections générales de 2006.
« Après le génocide, des centaines de milliers de Rwandais se sont réfugiés dans l’est du Congo. Il y avait parmi eux des miliciens Interahamwe et des membres de l’ancienne armée rwandaise, l’ex-FAR [Forces armées rwandaises] ». L’ex-FAR et l’Interahamwe ont fui en emportant leurs armes. « Ils sont arrivés au Congo toujours dans l’idée d’exterminer les Tutsis ; et une fois qu’ils ont pris le maquis, ils se sont mis à cibler les Banyamulenges », a poursuivi M. Sebineza.
Photo: Jane Some/IRIN |
Vue de la ville de Bukavu |
Les Banyamulenges sont touchés par les conflits qui sévissent au Congo depuis les années 1960, selon M. Sebineza. Au cours de la rébellion qui a éclaté en 1996, menée par Laurent Kabila, ils se sont notamment trouvés pris entre deux feux.
« Mobutu a envoyé ses soldats pour nous chasser ; et le Rwanda y a vu une occasion de faire sortir l’ex-FAR et l’Interahamwe du Congo », a-t-il dit.
Selon M. Sebineza, de nombreux jeunes banyamulenges ont rejoint les rangs de l’armée rwandaise, arrivée au Congo pour soutenir la rébellion de M. Kabila, mais au terme de la guerre, aucun processus de réconciliation adéquat n’a été mis en place avant que M. Kabila ne se brouille avec les Rwandais.
« A la suite de cela, il y a eu une scission au sein de la communauté banyamulenge : un groupe pensait qu’il valait mieux prendre le parti des Rwandais, tandis que l’autre pensait que les Banyamulenges seraient mieux sans le Rwanda », a-t-il raconté. « Les Banyamulenges font depuis longtemps les frais des incursions du Rwanda au Congo ».
Au terme de la transition, un certain nombre de soldats kinyarwandophones ont refusé de rejoindre les rangs des Forces armées intégrées de la République démocratique du Congo (FARDC). Parmi eux, le colonel Jules Mutebusi et ses troupes, qui ont occupé Bukavu pendant une semaine, en juin 2004, le général Laurent Nkunda, basé dans la région de Masisi, au Nord-Kivu, le général Patrick Masunzu, qui commandait une brigade basée dans la région de Minembwe, au Sud-Kivu, et bien d’autres.
« La tentative de Mutebusi de prendre le contrôle de Bukavu a échoué, essentiellement parce que la plupart des membres de la communauté soutenaient le général Masunzu, qui a aidé l’armée à bouter Mutebusi hors de Bukavu », a expliqué M. Sebineza.
« La brigade de Masunzu reste opposée au processus de brassage de l’armée [réintégration] ». Par la suite, a-t-il ajouté, la brigade de Masunzu a traversé une crise de leadership qui s’est soldée par une révolte.
La solution doit être politique
« Toutes les communautés devraient se respecter les unes les autres et renoncer à commettre des atrocités contre ceux qu’elles perçoivent comme leurs ennemis » |
« En 2006, un groupe représentant la communauté est allé voir M. Kabila à Kinshasa et lui a demandé de nous accorder du temps pour parler à Masunzu [et à d’autres rebelles] afin de leur faire accepter l’intégration à l’armée », a-t-il dit.
A la suite de la rencontre, les leaders de la communauté banyamulenge ont organisé des pourparlers avec M. Masunzu et les autres rebelles pendant un mois, et sont parvenus à un accord, selon lequel ces derniers rejoindraient les rangs de l’armée nationale. Par la suite, pourtant, a-t-il ajouté, M. Masunzu a adressé un courrier à M. Kabila, l’informant qu’il refusait l’intégration. « En janvier 2007, Masunzu a mené une série d’attaques contre le groupe de Bisogo, tuant 12 combattants, dont deux majors et trois capitaines », selon M. Sebineza. « Nous avons dénoncé cet affrontement, ce qui n’a pas vraiment plu à Masunzu ».
Pour sa part, M. Muhamiriza a dénoncé l’absence de députés banyamulenges à l’Assemblée congolaise. « A ce jour, nous continuons de supplier les autorités de créer un territoire à partir des quatre [localités] qui composent Minembwe ».
Minembwe est administré par les autorités de la ville de Fizi, située à 117 kilomètres, ou par celles d’Uvira, une autre ville, à 126 kilomètres.
« Si un Banyamulenge veut déclarer une naissance ou un mariage, il doit parcourir de longues distances pour se rendre dans ces villes et bénéficier de ces services », a-t-il ajouté. « Toutes les communautés devraient se respecter les unes les autres et renoncer à commettre des atrocités contre ceux qu’elles perçoivent comme leurs ennemis ». « Il faut que le gouvernement nous reconnaisse ; que nous soyons représentés au Sénat, à l’Assemblée et dans les autres institutions publiques », a affirmé M. Muhamiriza.
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Thèmes: (IRIN) Paix et sécurité, (IRIN) Démocratie et gouvernance, (IRIN) Droits de l'homme, (IRIN) Réfugiés et déplacés
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